«Un Christ plus grand» - Témoigner de Christ aujourd’hui
La conférence d’Edimbourg en 1910 fut perçue comme si importante, que l’archevêque de Canterbury d’alors la jugea sans équivalent dans l’histoire du Christianisme. Mais aujourd’hui, quel est le contexte du témoignage à ce « Christ plus grand », selon l’expression d’un pionnier du mouvement missionnaire. C’est à cette question que répondit une belle brochette de théologiens de tous les horizons, lors de l’ouverture de la célébration du centenaire.
Tout d’abord Dana Robert, spécialiste en histoire du christiannisme et des missions à Boston, a retracé les acquis de la Conférence de 1910, qui a constitué une prise de conscience de l’unité chrétienne. Certes les délégués se réunissaient dans le contexte du colonialisme occidental, mais ils rentrèrent chez eux avec la vision que le christianisme est en fait une seule communauté mondiale. Comme l’exprima son secrétaire, John Mott : « Venant de différentes races, nations et communions, n’avons-nous pas commencé à prendre conscience de notre unité en Christ… car nous avons un Christ plus grand ». Un Christ plus grand, tel a été le slogan de cette conférence : plus grand que la domination occidentale et les divisions sectaires. Bien sûr, l’Eglise catholique avait déjà un fort sens d’être une communauté mondiale, mais pour les protestants divisés, 1910 fut un tournant dans cette direction.
Edinbourg a donc marqué le début symbolique de la « libération de la mission de sa captivité occidentale ». Dès lors celle-ci deviendra progressivement multidirectionnelle et multiculturelle. Ce que la conférence missionnaire de Mexico exprimera 50 ans plus tard dans son message final : « Nous affirmons que ce mouvement missionnaire implique maintenant des chrétiens dans tous les six continents et dans tous les pays. Il doit être le témoignage commun de toute l’Eglise, apportant tout l’Evangile à tout le monde ».
Mais notre contexte a changé. Par quoi se caractérise-t-il ? Par une pluralité beaucoup plus grande dans tous les domaines. Par le souci pour l’intégrité de la création; un aspect que D. Robert a particulièrement à cœur, elle qui est la petite fille d’un pêcheur du Golfe du Mexique actuellement pollué par le pétrole ! Par la réalité de la mondialisation, avec les multiples migrations, le déploiement des religions et de nouvelles formes de mission.
Changer de regard
D. Robert conclut sur une note optimiste, invitant à un changement de regard : « Il y a un siècle, les participants à la conférence d’Edinbourg se plaignaient que seulement un tiers du monde était chrétien. Aujourd’hui nous nous réjouissons que les disciples du Christ forment un tiers de ce monde. Que signifie ce changement d’attitude pour notre engagement à partager la Bonne Nouvelle avec tous les peuples ? Nous ne devons pas permettre aux difficiles questions théologiques, socio-culturelles et politiques, ni aux dissensions sur les théologies des religions de nous décourager à partager avec le monde entier l’amour de Dieu et le salut à travers Jésus-Christ ».
Ensuite Brian Farrell, Secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, rappelle qu’aujourd’hui le calendrier catholique commémore les martyrs de l’Ouganda. Des chrétiens catholiques et anglicans, unis dans le martyre, voilà le témoignage le plus profond que l’on peut donner du Christ. Aujourd’hui, précise-t-il, les laïcs sont à l’avant-garde de la mission et l’exigence des droits humains s’est imposée partout. Il souligne également l’importance de l’actuel travail sur le code de conduite sur la conversion, en collaboration avec le Conseil œcuménique des Eglises et l’Alliance évangélique mondiale. Une des questions missiologiques cruciale reste la signification de l’unicité du Christ pour le salut. Mgr Farrell évoque aussi l’Encyclique « Ut unum sint » du pape Jean-Paul II, qui voyait la redécouverte de la fraternité comme une des réalisations les plus importantes du mouvement œcuménique. « Témoigner ensemble du Christ avec substance et harmonie, c’est ce que les jeunes demandent aujourd’hui… Et c'est une œuvre de l’Esprit, qui guérit, réconcilie et soutient l’Eglise pour porter la mission de Dieu ».
Ecouter les cris de la terre et de l’injustice
Quel sera l’instrument le plus important lors de la coupe du monde de football, qui va s’ouvrir dans une semaine, demande le professeur sud-africain Samuel Maluleke ? Soufflant alors dans une trompette, il répond : « Cette trompette symbolise les tentatives désespérées de l’Afrique pour être entendue ». Parlant de la crise écologique, il affirme que le temps est venu d’entendre non seulement le cri des pauvres, mais aussi celui de la terre : « Dieu veut sauver non seulement l’humanité mais aussi la terre. Cela doit faire partie désormais du programme de la mission ».
Geevarghese Coorilos, évêque de l’Eglise orthodoxe syriaque en Inde, a plaidé avec force pour une mission comme contestation de l’injustice (et qui n’a pas peur de la nommer), comme sur la nécessité de la réconciliation. Inversant la célèbre devise orthodoxe « la liturgie après la liturgie », il estime qu’il est tout aussi nécessaire d’avoir une « liturgie avant liturgie » : « Comment pouvons-nous nous appeler une communauté "liturgique" si les Eglises continuent à discriminer les personnes sur la base de la caste, de la race et du genre. Et cela même jusque dans leur vie cultuelle ? Qu’est la Sainte Communion sans la communion sociale » ?
Enfin le pasteur Bertil Ekström, délégué de l’Alliance évangélique du Brésil, fit entendre une voix de l’Amérique latine « Pour être crédible le témoignage chrétien doit être intégral : l’annonce de l’Evangile allant de pair avec la diaconie… Le manque d’unité entre les chrétiens est un obstacle à un plus grand impact sur la société ». Mais il y a des signes encourageants d’une plus grande coopération. L’Amérique latine a-t-elle besoin d’un travail missionnaire ? En 1910, la conférence d’Edinbourg estimait qu’un engagement venant de l’extérieur n’était pas nécessaire. Cependant, il n’y avait alors pas de voix latino-américaine pour se faire entendre. Mais quelques années plus tard, des responsables se réunirent pour faire une analyse bien différente. Aujourd’hui beaucoup n’ont pas été atteints par l’Evangile, comme 200 peuples indigènes, les migrants et une classe moyenne qui s’est éloignée de l’Eglise.
Témoigner du Christ aujourd’hui ? En cent ans, le monde a changé. Mais l’inspiration reste la même et le besoin d’entendre la une parole de réconciliation, de justice, de paix et d’amour demeure ! Ce voyage sur quatre continents nous a rappelé comment un Christ « plus grand » peut y répondre.
Site internet de la conférence Edimbourg 2010